mardi 22 mars 2011

Hors série Alternatives Economiques : Et si on changeait tout...

Source : Alternatives Economiques


Mais pas trop quans même !! Plutôt : si on tournait autour du pot encore 50 ans...
Quelques extractions autour du sujet du revenu, de la justice sociale.

Et si on payait (mieux) les gens à ne rien faire ?

Est-il normal que les minima sociaux ne permettent pas de vivre au-dessus du seuil de pauvreté ? Le montant du principal de ces minima, le revenu de solidarité active (RSA) socle, est en effet de 467 euros par mois pour une personne seule, alors que le seuil de pauvreté est à 950 euros. Selon l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires), la France est un des seuls pays européens à ne pas garantir un niveau de vie décent à tous ses citoyens : si l'on prend en compte les aides au logement, le revenu minimum garanti en France était de 793 euros en 2004 (dernière année connue) en parité de pouvoir d'achat pour un couple sans enfant, contre plus de 1 000 euros dans la plupart des pays européens, voire plus de 1 300 euros au Danemark et aux Pays-Bas. Peu généreux par rapport à ce qui se pratique dans le reste de l'Union, les minima sociaux français sont également de plus en plus faibles. Leur montant a décroché du Smic depuis vingt ans : en 2007, avant qu'il ne soit remplacé par le RSA socle, le RMI représentait 44,3 % du Smic, contre 48,7 % en 1990. Les autres minima sociaux, tels que l'allocation spécifique de solidarité (ASS) ou l'allocation pour adulte handicapé (AAH), ont suivi la même tendance.

Il faut donc d'urgence enrayer cette " paupérisation " des minima sociaux. Dans cette optique, Denis Clerc, fondateur d'Alternatives Economiques, propose de créer un nouveau revenu social qui serait versé aux ménages disposant de moins de 1 500 euros mensuels après impôts, pour une personne seule. Le revenu minimum garanti serait de 700 euros (contre 467 euros aujourd'hui) et un complément serait alloué à ceux qui disposent de revenus personnels inférieurs à 1 500 euros. Ce complément serait dégressif et s'annulerait autour de 1 500 euros [1]

Laurent Jeanneau
Alternatives Economiques Poche n° 049 - avril 2011



Et si on donnait aux jeunes les moyens de leur autonomie ?

Il faut que jeunesse se passe…, mais encore faut-il lui en donner les moyens. Pris en tenailles entre des études qui s'allongent et une insertion sur le marché du travail de plus en plus chaotique, nombre de jeunes ont du mal à joindre les deux bouts. Coutumiers des allers-retours entre chômage et emploi précaire, leurs revenus sont faibles alors que les loyers sont exorbitants et qu'ils grignotent une grosse partie de leur budget. Dans ce contexte, la solidarité familiale est primordiale, à condition d'avoir des parents qui en ont les moyens !

Dépenses éducatives, aides à l'insertion et au logement, allocations familiales, bourses, etc. : il existe déjà un certain nombre de prestations destinées aux jeunes. Mais pour l'essentiel, cet effort national en direction de la jeunesse est " familialisé ", c'est-à-dire que la majorité des aides ne sont pas versées directement aux jeunes, mais à leurs parents pour les aider à soutenir leurs enfants. C'est notamment le cas des prestations familiales ou du quotient familial, deux dispositifs qui contribuent à entretenir la dépendance des jeunes à l'égard de leurs parents bien au-delà de leur majorité légale…

Une solution serait de redéployer l'ensemble de ces dépenses pour créer une allocation universelle directement allouée aux jeunes à partir de leurs 18 ans. C'est le sens de la proposition de l'économiste Guillaume Allègre, qui plaide pour la mise en place d'un " capital-formation " [1].

Financé par les pouvoirs publics, ce capital serait utilisable tout au long de la vie et permettrait à tout individu, sans conditions de ressources, de subvenir à ses besoins au cours de ses études supérieures ou dans le cadre d'une formation continue qualifiante. Cette dotation ne serait pas versée en une seule fois, mais permettrait de financer un revenu mensuel de 460 euros par mois pendant au moins trois ans. Un montant qui pourrait être complété par des prêts sécurisés.

L'avantage de ce système est qu'il n'est pas réservé aux seuls étudiants, mais peut offrir aux personnes peu qualifiées une chance de rebondir, en faisant de l'" école de la deuxième chance " une réalité et non plus un slogan. Ce capital-formation pourrait en effet être utilisé par un salarié sur un période plus courte et avec un revenu mensuel plus important.

Laurent Jeanneau
Alternatives Economiques Poche n° 049 - avril 2011



Et si on construisait une vraie " sécurité sociale professionnelle " ?

On peut rêver de supprimer le chômage ou d'interdire les licenciements. L'exemple de l'Union soviétique, où ce programme avait été réalisé, est là pour rappeler que ce n'est pas forcément une solution, en termes d'efficacité économique comme de libertés individuelles. En effet, l'interdiction du chômage débouche toujours sur l'obligation de travailler. La tentation totalitaire n'est malheureusement pas morte avec la chute du communisme : on la retrouve dans de nombreux pays capitalistes sous la forme du workfare, qui consiste à contraindre les pauvres à travailler en contrepartie de la maigre assistance qui leur est versée.

Le licenciement doit, en revanche, être solidement encadré pour éviter tout abus. Il est parfaitement légitime en particulier de chercher à freiner les ardeurs des entreprises qui seraient tentées de se séparer très rapidement de leurs salariés dès que l'activité diminue un peu : on a bien vu dans la crise toute l'efficacité des dispositifs de chômage partiel pour amortir les chocs de court terme et éviter l'enclenchement d'une spirale dépressive. Il faut également que la politique économique ait pour priorité de limiter au maximum le chômage. Mais il faut aussi et surtout garantir à ceux qui se trouvent momentanément sans travail des revenus décents, qui leur permettent de continuer à être des citoyens à part entière, et des possibilités réelles en termes de formation et d'accompagnement, qui les aident à revenir aisément dans l'emploi. Et même d'y revenir avec davantage de billes que lorsqu'ils l'ont quitté, contribuant ainsi à accroître à la fois leurs capacités personnelles et le potentiel de l'ensemble de la collectivité.

Cela fait un certain temps déjà que cette idée est affirmée en France, mais elle peine à être mise en oeuvre. Nous vivons toujours dans une société où la moitié des chômeurs ne sont pas indemnisés et où les minima sociaux ne représentent que la moitié du seuil de pauvreté. Le revenu de solidarité active (RSA) n'y change rien, puisqu'il améliore seulement la situation des travailleurs pauvres.

Guillaume Duval
Alternatives Economiques Poche n° 049 - avril 2011

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