dimanche 10 mai 2020

Appel des soignants : la plus grande menace sur notre santé est le réchauffement climatique

Source : https://reporterre.net/Appel-des-soignants-la-plus-grande-menace-sur-notre-sante-est-le-rechauffement-climatique


La dégradation des conditions de vie sur Terre, à cause de la pollution et du réchauffement climatique, aura des conséquences délétères sur la santé, expliquent les autrices et auteurs de cette tribune. En tant que soignantes et soignants, ils soutiennent le plan de sortie de crise proposée par la Convention citoyenne pour climat.

Les soignants à l’origine de cet appel — docteur Alicia Pillot, médecin généraliste, Cathy Faitg, cadre sage-femme et docteur Claire Carré, médecin généraliste — expliquent que leur « démarche n’est reliée à aucun parti politique ». L’appel a déjà reçu le soutien d’associations comme Asef, Sera ou FNE.

Nous traversons une crise sanitaire d’une ampleur extraordinaire. Cette crise du Covid-19 met nos vies en péril, et vient nous rappeler que la santé est notre bien le plus précieux. Elle nous invite à admettre avec humilité notre vulnérabilité, mais aussi à reconnaître avec courage et honnêteté nos responsabilités. Par-dessus tout, ces temps étranges et suspendus nous donnent l’occasion de prendre du recul sur nos choix individuels et collectifs. Et cette confrontation collective à la mort vient nous questionner sur le sens profond de nos vies et de notre Histoire.

En tant que soignants, nous sommes en première ligne pour affronter l’épidémie. Nous sommes chaque jour qui passe présents aux côtés des malades, de leurs familles, des personnes âgées, isolées ou fragiles. Nous côtoyons l’angoisse, la détresse vitale et parfois la mort. Certains d’entre nous paient de leur vie cet engagement professionnel.

Alors, regardons en face ce qui nous met en danger.
Il est grand temps de prendre en compte le réchauffement climatique et la pollution environnementale à la hauteur de leurs conséquences sur notre santé

Comme tant d’autres (Sras, VIH, Ebola), il est probable que le Sars-CoV-2 provienne d’un rapprochement entre espèces animales et humaine. Nos pratiques agricoles intensives, l’élevage industriel, l’urbanisation, le trafic d’espèces sauvages, la mondialisation à outrance, le tourisme de masse conduisent à la déforestation, à la réduction des espaces naturels et donc au déséquilibre ou à la destruction des écosystèmes et de leurs biodiversités. Nous favorisons la transmission des agents infectieux présents chez les animaux sauvages vers l’être humain, mais aussi la transmission interhumaine. Sans changement dans notre prédation sur la vie sauvage et notre organisation socio-économique, les pandémies se répéteront…

Il faut aussi souligner que le danger de cette maladie ne tient pas seulement à la virulence du Sars-CoV-2 pour l’être humain. En dehors du risque lié à l’âge, ce virus est plus dangereux pour les personnes atteintes de maladies chroniques : asthme, diabète, maladies cardiovasculaires, cancers, obésité… Or, nous savons que ces maladies sont favorisées par nos modes de vie, et notre exposition permanente aux différents polluants environnementaux. Non seulement ces polluants nous rendent plus vulnérables à des maladies émergentes, mais ils ont encore bien d’autres conséquences dramatiques pour notre santé : baisse de la fertilité, maladies neurodégénératives, puberté précoce, malformations génitales, baisse du quotient intellectuel, troubles du spectre autistique, hyperactivité… Pire, leurs conséquences épigénétiques auront des effets retardés sur plusieurs générations. Il est grand temps de prendre en charge ces questions environnementales à la hauteur de leurs conséquences sur notre santé, certes plus sournoises qu’une pandémie, mais probablement plus graves en définitive.

Par-dessus tout, il semble encore nécessaire de rappeler que la plus grande menace qui pèse sur notre santé et notre avenir est le réchauffement climatique. Nous nous exposons au danger le plus grave qui soit : la pénurie d’eau et la baisse des rendements agricoles. Avec la répétition des canicules, le réchauffement des eaux de surface, la dégradation de la qualité de l’air, le développement d’espèces vectrices de maladies, nous risquons de voir se multiplier les maladies infectieuses et les maladies chroniques, sans compter les traumatismes psychiques liés à la répétition des catastrophes naturelles à craindre.
Quel sens notre métier de soignant a-t-il face à des maladies dont les causes ne sont pas combattues ?

Malgré les alertes des scientifiques, nous y voilà. Cette crise sanitaire nous confronte à la réalité, et ça fait mal. Disons-le franchement, depuis l’avertissement de Rachel Carson en 1962 (dans Printemps silencieux­), les rapports successifs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) depuis 1988, qu’avons-nous fait d’autre que de poursuivre la dégradation de la nature et l’augmentation des émissions de gaz à effets de serre au nom de la croissance ? Aujourd’hui, la Terre subit sa sixième extinction de masse malgré toutes les actions possibles pour éviter le pire. Comment pouvons-nous espérer en sortir indemnes ? Il est grand temps d’agir ensemble, dans la solidarité, au-delà de nos différences.

Aussi, nous, soignantes et soignants, invitons les ONG et les associations qui ne l’ont pas encore fait, les élus et les citoyens à soutenir la contribution réalisée par la Convention citoyenne pour le climat à la sortie de crise. Pourquoi, nous direz-vous ?

Parce que cette convention citoyenne a été créée après tirage au sort de 150 citoyens de tous horizons, âgés de 16 à 80 ans. En seulement six mois, ils ont appris à appréhender les problématiques liées au réchauffement climatique, et leurs conséquences sur le vivant.

Parce que leurs propositions sont fondées sur trois effets cumulatifs recherchés : « Un effet positif sur le climat, un effet positif sur l’activité économique à court ou moyen terme dans un esprit de justice sociale, ainsi qu’un effet sur la santé et le bien-être des populations. »

Parce qu’en plus de la réduction des gaz à effets de serre, ces propositions auront des conséquences bénéfiques sur la qualité de l’air, la réduction de la pollution de l’eau et des sols, sur notre alimentation, et donc sur notre santé.

Une des bases de la médecine n’est-elle pas « mieux vaut prévenir que guérir » ? Quel sens a et aura encore notre métier de soignant face à des maladies dont les causes ne sont pas combattues par nos choix politiques ? Quelle médecine pourrons-nous espérer faire demain dans un monde caniculaire et incertain ?

À l’heure où cette pandémie de Covid-19 nous oblige à envisager des changements profonds, les citoyens français sont légitimes à exiger une politique pour un avenir durable, préservant notre santé et notre environnement.

Nous, professionnels de santé, appelons tous les soignants de France et au-delà des frontières, les ONG et les associations, les élus et l’ensemble des citoyens, à une mobilisation massive et constructive pour soutenir la contribution de la Convention citoyenne pour le climat au plan de sortie de crise.

Leur travail doit nous servir de base pour nous rassembler, et pour contraindre nos dirigeants à instaurer une politique de développement durable et de respect du vivant pour les générations futures.

Il y a urgence. Et c’est une urgence vitale.

 

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