jeudi 9 mars 2023

Méga-bassines : un affrontement entre mondes

Source : https://www.terrestres.org/2023/02/27/mega-bassines-un-affrontement-entre-mondes/ 
Alessandro Pignocchi - 27 février 2023

De nouvelles planches d'Alessandro Pignocchi, suivies d'une tribune de sa plume en soutien aux luttes contre l'accaparement de l'eau : « Les még
a-bassines cristallisent et révèlent un affrontement entre mondes, entre des désirs antagonistes quant à la manière de composer un monde commun. » La prochaine weekend de mobilisation aura lieu entre les 25 et 26 mars, pour toute information voir ici.

 

 

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mardi 7 février 2023

Rapports de classe : LE RÉCIT HALLUCINANT D'UNE "DOMESTIQUE" INFILTRÉE CHEZ LES SUPER-RICHES

Source : https://www.youtube.com/watch?v=b4_iaqGhdD4


« Cet ouvrage montre que le principal ressort de la mise au travail des domestiques est ce que j’appelle l’exploitation dorée. Le terme désigne la logique de surenchère qui consiste à acheter, au prix fort, l’investissement au travail illimité des domestiques » écrit la jeune sociologue Alizée Delpierre dans la préface de son ouvrage paru à la Découverte « Servir les riches » avant d’expliquer : « Les mécanismes d’exploitation que les riches mettent en œuvre reposent sur une contradiction : alors qu’elles offrent des possibilités d’ascension sociale, parfois fulgurantes, aux domestiques, les grandes fortunes maintiennent coûte que coûte l’ordre social, ainsi que les hiérarchies de genre et de race qui structurent plus largement la société. Ce que les riches font au cœur de leur domicile est le reflet d’un système libéral et capitaliste contemporain qui assoit les inégalités sociales, raciales et sexuées sous couvert d’une réussite et d’une liberté individuelles illusoires. S’ils sont prêts à investir autant sur les plans financier, matériel et émotionnel dans la domesticité, c’est qu’elle est l’un des fondements de la reproduction d’un système où les riches sont presque toujours assurés de figurer parmi les grands « gagnants ». 

 Le cadre est posé. Dans la lignée des travaux de Pierre Bourdieu, Alizée Delpierre a vécu pendant cinq année dans le monde très fermé des domestiques et de leurs patrons, des aristocrates plus ou moins fortunés et des nouveaux riches cherchant à les imiter. 

« La première famille que j’ai servie est celle de Catherine, la fille de Geneviève, qui m’a appelée deux jours après l’entretien sur lequel s’est ouvert ce livre pour me confirmer mon embauche. J’ai travaillé pour elle à Paris pendant un an, avec cinq domestiques, quelques heures tous les soirs, après les sorties d’école des enfants. J’ai également suivi mes employeurs dans leur villa en Chine pour deux mois d’été où je travaillais à temps plein, avec six autres domestiques qui y résident, un peu comme une jeune fille au pair. Plus tard, j’ai travaillé pour une autre famille, celle de Margaret, Philippe et leurs quatre enfants, durant quatre mois, plusieurs heures par jour et pendant quelques week‐ends, avec deux domestiques. J’étais chargée des devoirs des enfants, d’une partie de leurs lessives, de les accompagner dans leurs sorties, et du dîner familial. » Ainsi domestique et sociologue, la jeune femme livre un témoignage inédit et décapant sur cet asservissement moderne qu’est la domesticité. Salaires à la louche, paiement au black, présence sur place H24, en contrepartie du service, les grandes fortunes entretiennent leurs domestiques par le prêt d’un logement et la prise en charge de divers frais. Les avantages en argent et en nature peuvent être considérables : 8 000 euros mensuels pour certains privilégiés, primes pour d’autres, sacs Chanel et chaussures Louboutin, montres de luxe, consultations médicales chez les plus grands spécialistes, frais de scolarité dans une école privée pour les enfants... Mais l’envers de la médaille peut être aussi traumatisant : excentricité du maitre ou de la maitresse allant jusqu’à faire porter une couche culotte à son personnel, charge mentale très lourde, menace permanente de licenciement, racisme avéré... Avec cet entretien long et passionnant, nous pénétrons un monde aux portes généralement fermées à double tour. Nous découvrons surtout d’une manière très concrète cette « violence des riches » révélée par Monique et Michel Pinçon Charlot. 

« Servir les riches », au-delà de la sociologie, est un livre politiques sur l’extrême richesse qui décrit aussi une souffrance, celle des pauvres. Celle de d’être dépossédé de son existence même pour que son maitre et patron puisse rentrer du bureau, de la salle de sport, du spa ou d’une cérémonie et se lover dans un sofa, plonger dans son bain chaud ou s’enrouler dans sa couette en jouissant de la quiétude d’une maison toujours propre, rangée, parfumée, d’un frigo plein et d’enfants profondément endormis. 

Ce zoom arrière et le regard distancié mais chaleureux d’Alizée Delpierre sont plus efficaces pour nous mettre en colère et nous dégouter de l’hyper libéralisme que n’importe quel discours de Jean Luc Mélenchon. 

Journaliste : Denis Robert

Docu Ni Dieu, ni maître - Livres 3 et 4

Ni Dieu ni maître, une histoire de l’anarchisme - Livre 3 - Des fleurs et des pavés (1944-1969)

Source : https://video.ploud.fr/w/25pWjk6TJL1kUv49TddmbP

Ni Dieu ni maître une histoire de l'anarchisme - Livre 4 - Les réseaux de la colère (1965-2012)

Source : https://video.ploud.fr/w/q4ud4Un1efBepmaYxN4Tzf

 

Livres 1 et 2

 https://video.ploud.fr/w/8SoDoFDMNqZPCfdYnWw63Y


lundi 6 février 2023

D’une dissidence à l’autre. Lettre aux jeunes déserteurs et déserteuses

Source : https://www.terrestres.org/2023/01/23/dune-dissidence-a-lautre-lettre-aux-jeunes-deserteurs-et-deserteuses/

Jean-Paul Malrieu


 

Les appels à déserter la société dominante fleurissent un peu partout. Les diplômes d'ingénieur·es sont refusés, les fermes reprises, et les méga-bassines sabotées. Ces gestes prolongent la vague de subversion qui parcourut les sociétés avec Mai 68. Au-delà d'un simple écho, comment faire dialoguer ces deux moments séparés par un demi-siècle ? Voici un témoignage sur l’esprit de désertion, et ses limites, par un ancien membre du groupe Survivre et vivre.

[...]

Combiner expériences et combat politique

La crise écologique nous faisant entrer dans une forme de rétrécissement des moyens, la question des inégalités va s’imposer comme jamais : si les grandes masses de la population doivent accepter des sacrifices majeurs, elles ne tolèreront plus que les privilégiés continuent de s’enrichir, échappent à ces restrictions pour que les revenus de leurs capitaux leur permettent d’acheter des exemptions et de faire courir leurs jets et leurs yachts. On peut s’attendre à ce que la question écologique ravive les oppositions de classe, soulève à nouveau la question de l’appropriation privée, des limites à lui imposer. Donc renouvelle non seulement le problème démocratique, face aux tentations de gestion autoritaire des urgences, mais aussi la question des répartitions et des propriétés. Bref, les deux thèmes sur lesquels l’opposition gauche/droite s’est déployée depuis deux siècles. La crise écologique n’enterrera pas cet antagonisme, comme on le dit souvent, en invoquant le productivisme et le consumérisme du mouvement ouvrier, elle le déplacera et lui donnera un contenu nouveau.

Mais revenons aux démarches dissidentes. Il est certain que les expériences individuelles et collectives autonomes peuvent être précieuses, il peut s’y inventer d’autres nouages de la liberté et de la nécessité, elles peuvent démontrer la possibilité de modes de vie respectueux des équilibres écologiques. En sachant leurs limites. Rien ne serait plus naïf que d’imaginer des îlots de survie alternative sur fond d’effondrement. Vous aurez du mal, vous qui avez voulu vous donner les moyens d’une autarcie, à sauver vos lopins de permaculture si les villes ont faim. Puisqu’il faudra bien que ces expériences s’articulent, se coordonnent, et penser des choix politiques, en terme de conflits. Force sera d’affronter les groupes qui voudront persister dans leur déni et maintenir des activités et des structures insoutenables, affronter aussi ceux qui choisiront des solutions de régulations vraiment liberticides, combattre les ruses des classes privilégiées pour maintenir leurs niveaux de consommation obscènes. Le terme de « lutte de classes écologiques » proposé par Bruno Latour est sans doute paradoxal parce que le critère qui va nous séparer radicalement sur l’essentiel c’est notre sympathie, notre amour virtuel pour les générations à venir et que ce critère ne relève d’aucune condition objective. Néanmoins, ce concept de lutte de classes écologiques appelle à penser la crise écologique politiquement, pas seulement comme recherche de solutions individuelles ou de groupes survivalistes. 

C’est pourquoi nos initiatives ne doivent pas se définir comme en pur contraste avec l’environnement dans lequel elles sont nées, ni comme simples germes d’un monde alternatif, mais elles doivent s’insérer dans le tissu social existant pour le convaincre des choix à faire et de l’accessibilité de ces choix. Les dissidences d’aujourd’hui doivent être politiquement plus ambitieuses que celles d’hier au sens où elles doivent aussi s’adresser à (donc écouter) un environnement social rétif et sceptique, éviter l’entre-nous des sectes, fussent-elles sympathiques, se donner pour objectif de gagner la révolution écologique globale. Déserteurs, vos dissidences ne visent pas que votre salut mental, moral et matériel, elles doivent travailler le corps social qui vous entoure. Dans le contexte actuel vous éviterez sans doute le cancer de la radicalité, qui nous faisait attribuer nos échecs à nos tiédeurs, en nous rendant toujours plus minoritaires.

On trouve là une autre tentation périlleuse, celle de l’action directe radicale. On sent qu’il y a un gouffre entre l’urgence, l’ampleur de changements à opérer et la pratique concrète des décideurs et des acteurs (et par décideurs et acteurs j’entends les politiques, les maîtres du Capital, mais aussi nos voisins et nous-mêmes). On peut s’énerver de cette inertie des corps sociaux, ou de cette dissonance cognitive par laquelle on accepte de ne pas tirer les conclusions d’un diagnostic. On peut s’en sentir désespérés – qui parmi nous ne passe pas par de pareils moments ? On peut alors être tentés d’agir sans attendre, passer à l’acte, comme le firent, dans un autre contexte et portés par d’autres discours, certains courants du gauchisme d’après 1968 qui voulurent faire une révolution sans les masses. Aujourd’hui, sur la base d’une critique écologique plus rationnelle que les analyses de classes simplistes d’hier, on peut par exemple envisager le sabotage de dispositifs jugés nuisibles. Parce qu’on les sait nuisibles sur la base d’une analyse que la majorité ne partage pas, en tout cas pas encore. Je ne dis pas que ces sabotages sont à exclure, je dis que l’on doit réfléchir à ce qu’on en attend. Est-ce un effet matériel, un obstacle posé sur le trajet d’une machine néfaste, un moins de gaz à effets de serre, un frein, un renchérissement de sa mise en œuvre ? Ou une interpellation du public, une déclaration de rupture : voyez jusqu’où va notre détermination ? Explicitons nos motivations (difficile à faire depuis la clandestinité) et nos attentes. Dans les actes de révolte et d’objection, comme dans les efforts pour construire des modes de vie alternatifs, nos minorités doivent se penser comme immergées dans un corps social à transformer.

Enjeu majeur, moment historique décisif, comment faire émerger des formes d’existence collective durable et pacifique, plutôt qu’une régulation dictatoriale centralisée ou un effondrement convulsif ? Lorsque je réfléchissais, voici 50 ans, à une mutation qui ne prenne pas la forme conflictuelle de la Révolution, et par laquelle la dissidence finirait par devenir hégémonique (comme la bourgeoisie finit, voici plus de 2 siècles, par se débarrasser de la société féodale et de ses structures de rangs), je nous accordais du temps. Et voici que le temps nous est compté, que l’enjeu est à la fois plus global et plus impérieux. Ô mes amis, comme il va vous falloir être intelligents et humbles, décidés et tendres, humains et courageux pour tracer et parcourir ce chemin difficile.


jeudi 26 janvier 2023

Historiciser la conscience environnementale, avec Jean-Baptise Fressoz

 

https://www.youtube.com/watch?v=R6USRyBsJ40

Pour discuter de la manière dont s'articulent l'histoire des techniques, l'histoire des sciences et l'histoire environnementale, Jean-Baptiste Fressoz est cette semaine l'invité d'Entre-Temps. Avec Gil Bartholeyns, il revient sur son travail d'historicisation de la conscience environnementale, dans lequel il s'est engagé depuis la parution de son premier ouvrage, "L’apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique" (Seuil, 2012), jusqu'aux récentes "Révoltes du ciel" (avec Fabien Locher, Seuil, 2020).


 


vendredi 20 janvier 2023

Transition énergétique : un mythe pour le futur... qui n'a jamais existé dans le passé...

Source : https://www.youtube.com/watch?v=YbebLbnGyoU


 

Voilà encore plus clair que Jancovici... avec un regard plus historique et sociologique : il historicise ces expressions de "âge du charbon", "âge du pétrole"... "âge des renouvelables"...
et ce mot de "transition" comme étant des récits récents, falsifiants,
et instrumentalisés aussi bien par les industriels énergétiques successifs que par la droite et la gauche (pour des raisons partisanes-mythiques différentes).

il parle de symbiose énergétique : les énergies dépendent les unes des autres et s'empilent-s'emmêlent, les matières permettent d'avoir les énergies qui permettent d'avoir les matières (acier)...

  • ex : l'Angleterre qui "passe" au charbon dans ses industries, consomme plus de bois (pour les galeries des mines) qu'elle n'en brûlait précédemment (pour l'industrie) : 5 à 6 fois plus de surface forestière consommée en 1900 qu'en 1750.
  • ex : pendant la 1ère guerre mondiale, l'Angleterre a failli manquer de charbon parce qu'elle manquait de bois.
  • ex : idem pour le pétrole, dont l'exploitation dépendait directement du bois (tonneaux et derrick) et encore aujourd'hui puisqu'il faut des pipelines donc de l'acier, donc du charbon (il faut du charbon pour faire l'oxydo-réduction de l'acier), donc du bois (auj on fait du charbon avec du bois !).
  • ex : pour faire du bois (!!!) il faut des fossiles > les plantations intensives de bois d'eucalyptus avec engrais et pesticides à gogo (la productivité des plantations d'eucalyptus est de 80 m3 par ha/an (au brésil), contre 6 m3 par ha/an en moyenne pour l'ensemble des forêts françaises).
Donc il démonte l'idée "gentille" de la transition énergétique d'une énergie à l'autre et dit qu'historiquement... ça n'a jamais existé !

Et parle de descente/décroissance énergétique (subie) donc matérielle donc énergétique donc matérielle...

 

mercredi 28 décembre 2022

Un petit peu de vigilance face aux mouvances/pensées écofascistes

Source : https://www.terrestres.org/2022/11/18/enracinement-identitaire-ou-attachements-terrestres-conflits-autour-de-la-rehabitation-du-monde/

Non pas aller chercher une identité qui aurait « une seule racine » dans un même sol figé, mais des identités qui se déploient « les racines vers le haut » (Édouard Glissant). 

Extraits

Une catastrophe menace directement l’habitabilité de ce monde. Il devient difficile de résister aux chaleurs, aux pluies violentes, aux crises et aux conflits sociaux, parfois tout cela à la fois, surtout depuis de gigantesques espaces urbains bétonnés et nourris par des sols agricoles de moins en moins fiables. Pour peu que l’on prenne ces menaces au sérieux, alors l’évidence serait peut-être celle-là : il nous faut parvenir à transformer radicalement nos manières d’habiter. Réhabiter autrement que selon les règles de l’accumulation de la valeur capitaliste, réhabiter en cultivant des réponses aux catastrophes qui nous précèdent et à celles qui viennent, réhabiter en reprenant en main petit à petit nos moyens de subsistance. Dès lors, pour l’écologie politique, l’enjeu serait de multiplier ceux et celles qui, attaché-e-s à leur territoire, sont prêt-e-s à le défendre, à entretenir son habitabilité voire à la recréer.

La question des formes d’attachements au territoire est en même temps l’un des terrains conflictuels clés pour l’écologie politique. Sur le plan des idées, nous héritons en Europe et en France d’une histoire politique trouble sur la question de l’attachement à la terre dont toute une partie est réactionnaire, nationaliste et identitaire. En effet, l’idée d’une Nature originelle, le Local ou l’Enracinement sont désormais des thèmes centraux du référentiel idéologique de la droite réactionnaire. Les tendances écofascistes contemporaines proposent une « écologie enracinée » ou prônent une défense patriotique de l’environnement, tout en agitant sans cesse la chimère de l’immigration coupable de la catastrophe. Comment faire face à cette appropriation de l’écologie par l’extrême-droite, depuis un point de vue Terrestre ? Et faut-il, à l’inverse, se réapproprier les questions que l’extrême-droite a faites siennes, telles que l’identité ou l’appartenance, pour amorcer les basculements terrestres dont nous avons besoin ?

[...] 

Aussi, même à l’intérieur de nos frontières, nos identités et nos récits ne peuvent pas se contenter d’être ceux de l’État Français et de ses régimes successifs, pas plus que ce ne peut être le récit du progrès linéaire vers une société libérée de ses contraintes naturelles. Car il n’y a pas réellement d’Histoire de France, pas plus qu’il n’y a d’Histoire humaine unique du point de vue « habitant ».

Aujourd’hui, rares sont les discours à propos de ce dont nous venons qui ne versent dans un mélange douteux entre fantasme de la ruralité et posture passéiste voire réactionnaire. Nous avons pourtant besoin de discours qui nous relient, qui nous attachent à des territoires, et qui nous replace dans l’héritage vivant de ces multiples identités que l’État a homogénéisées, si l’on veut rompre avec cette “culture du déracinement”. Non pas aller chercher une identité qui aurait « une seule racine » dans un même sol figé, mais des identités qui se déploient « les racines vers le haut » (Édouard Glissant). C’est-à-dire des identités vivantes et créatrices de mondes multiples que les perspectives décoloniales ont solidement théorisé depuis. Ces perspectives n’ont pas fini d’inspirer ce chantier théorique et pratique que l’on se propose de mener. Plutôt qu’un enracinement, ce que l’on peut envisager, c’est de faire monde en cherchant des formes d’organisation communautaire intéressantes, en veillant à ce que des coutumes vivantes telles que les danses traditionnelles ne deviennent pas du folklore, en se réappropriant des savoirs situés (naturalistes, artisanaux, de soin), en favorisant la créativité et la recherche d’intensités dans la vie sociale car c’est finalement tout cela qui permet de faire multitude.

Les espaces du déracinement sont le produit d’un processus historique et économique visant à optimiser la circulation et la production de valeur. Malgré tout, il persiste dans ces lieux désolés une vie collective ritualisée, des histoires, des résistances, des pratiques de subsistance et elles font émerger des sujets de lutte. Ces histoires sont autant de ressources à mobiliser aujourd’hui dans la lutte contre l’écofascisme, aux côtés de tout un ensemble d’autres fronts de lutte à mener, sur le terrain idéologique29 comme pratique30. Peut-être alors avancera-t-on vraiment dans notre rupture avec la colonialité qui imprègne notre compréhension de l’appartenance à un quelque part. On saura peut-être davantage voir la multiplicité des figures et visages à même de composer des révolutions écologiques et terrestres au cœur de notre présent.

vendredi 16 décembre 2022

Réhabiter la raison

Source : https://decroissances.ouvaton.org/2022/11/09/rehabiter-la-raison/

Un peu la suite du précédent article... toute ressemblance avec des situations connues...


Sommaire

    a) La raison comme milieu
    b) Le rationalisme tronqué des temps modernes et sa critique tout aussi tronquée
    c) Pour une extension du domaine de la raison
    d) La discussion comme milieu commun

 

A propos de la raison, ne pourrait-on pas détourner la notion de « réhabitation » (1) au sens d’une réhabilitation de la raison ?

Réhabiter signifie apprendre à vivre in situ au sein d’une aire qui a précédemment été perturbée et endommagée par l’exploitation.

Une réhabitation de la raison reviendrait donc à reconsidérer la raison a) comme un « lieu », b) endommagé par son exploitation précédente. Apprendre à vivre in situ suppose enfin que la raison c) non seulement est un « lieu commun », d) mais aussi que ce lieu commun est le lieu où le commun a lieu.

Traiter la raison comme un lieu peut sembler incongru. Mais l’idée ici est de proposer une extension conceptuelle de la notion de « lieu », afin de ne pas réduire le lieu à n’être qu’un territoire. Au sens le plus large, un « lieu » est ce qui permet d’avoir lieu, c’est une condition de possibilité, de facilitation… Alors bien sûr un lieu peut être un territoire ; mais aussi un temps, une époque, un rythme ; mais aussi une « institution » (une association, une collectivité, une entreprise…) ; et pourquoi pas aussi une « attitude », une conduite, un comportement…

Traditionnellement, la raison est une « faculté » (de connaissance), c’est-à-dire une disposition pour rendre possible, pour faciliter. La raison, c’est la faculté de raisonner, de produire des raisonnements → ce qui donne lieu à des raisonnements.

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Conversation pour le décroissant en « militant-chercheur »

Source : blog Michel Lepesant

Bim ! Magistral ! Sa pensée résonne tellement pour moi !!!
C'est un prof de philo qui parle ! Un prof de philo qui assume que tout est politique ! Et qu'il faut donc penser sa pensée !

Contre l'impolitisme !

Conversation pour le décroissant en « militant-chercheur »

Plusieurs points éclairants je trouve :

  • militance politique / militance alternative / militance agenda / militance mirador / militance chercheuse...
  • une posture intellectuelle qui démêle bien "idéo-logie" (=passion absolue pour une idée) et pensée contextualisée (=pertinence ici et maintenant),
    sans relativisme, c'est à dire en assumant que même relativement à une situation j'ai des indignations et des rêves, donc des préférences politiques,
    donc la capacité de dessiner des propositions concrètes, pour aujourd'hui.
  • critique égale du verticalisme descendant de la recherche classique et de l’impératif d’horizontalisme de l’activisme alternatif
  • distinction entre rejet, projet, trajet
  • distinction entre le nécessaire et le suffisant.
  • distinction entre petites éthiques et Grande éthique
  • critique de la tyrannie apolitique du 1+1+1+1 qu'elle soit libérale (la main invisible du marché) ou colibriste (la positivité invisible de l'alternative)
    par rapport à la politisation intermédiaire de tout
  • définition de la vie sociale à la fois comme condition – la vie sociale précède la vie engagée – et comme objectif – pour la conserver, la protéger et l’entretenir.
  • définition de la décroissance comme trajet, intermédiaire qui part du monde rejeté pour s’élancer vers un monde projeté,
    donc comme stratégie de désaturation, de désaccélération,
    donc comme recherche de la résonance, cette posture intermédiaire entre le monde-ce qu'il me fait-ce que j'y fais, le monde-ce qu'il me fait-ce que j'y fais, le monde-ce qu'il me fait-ce que j'y fais, le monde-ce qu'il me fait-ce que j'y fais, le monde-ce qu'il me fait-ce que j'y fais...
  • définition de l'espace de la politique : cet "intermédiaire ralenti" dans lequel nous pouvons nous rencontrer et discuter, donc exister en altérités ET en choix = faire de la politique.
  • distinction impartialité / neutralité
  • distinction entre voir les éléments [depuis un extérieur (qui n'existe pas)], sentir les relations [depuis l'intérieur (résonnant)]
  • précision ontologique : "ce qui est originaire, ce n’est pas l’unité, c’est la relation."
  • légitimation du "labo" = "réhabiliter le travail conceptuel à partir des pratiques activistes"
  • redéfinition de la dialectique en mode "intégral" (rien que ça !) : "La synthèse n’est pas l’addition de la thèse et de l’antithèse mais la position de ce qui était communément nié tant dans la thèse que dans l’antithèse."
  • éclairage de la caricature binaire du débat COVID
  • "il y a là une création philosophique qui permet de réconcilier deux approches de la philosophie : comme production de concepts (Gilles Deleuze) et comme manière de vivre (Pierre Hadot). Le militant-chercheur est celui qui va élaborer non pas des opinions mais des concepts, des distinctions de concepts, des analogies, des images et des métaphores, des visions."
    militance chercheuse =
    - "premièrement une attention critique portée à une espèce d’apprentissage par essais et erreurs, à tirer les leçons des échecs, aux controverses, à la contrefactualité,
    - "deuxièmement, les problèmes une fois repérés, il faut assumer tout un travail de production de concepts, forgés à partir des frottements."
    - "troisièmement, après avoir repéré, défini, le militant-chercheur a un devoir de transmission, d’échanges, de partages : c’est le moment de la discussion. Ça va être le test imparable pour voir jusqu’où la discussion va pouvoir remonter jusqu’aux causes. C’est là que les partisans de la Petite politique se démasqueront car ils appelleront très vite à cesser tout blabla pour passer au mieux à une simple politique des effets, celle dont la valeur majeur est l’efficacité."


samedi 24 septembre 2022

Des savoirs indigènes pour inventer de nouveaux mondes

 

 Source : https://reporterre.net/Des-savoirs-indigenes-pour-inventer-de-nouveaux-mondes


 

Face à l’idéologie du développement captant les ressources de la planète, d’autres mondes sont possibles. Dans « Plurivers », une centaine d’alternatives sont mises en avant. Ne reste qu’à les relier.

« Le monde que nous voulons est fait de beaucoup de mondes. » Cette phrase n’est pas l’accroche d’un nouveau film de science-fiction, mais provient de la quatrième déclaration de la forêt lacandone, énoncée par l’Armée zapatiste de libération nationale en 1996. Elle définit un concept à mille lieues du développement industriel et technologique auquel s’opposaient — et s’opposent encore — les combattants au Chiapas : le « plurivers ». Aussi appelé « multivers », ce sujet donne son titre au volumineux Dictionnaire du post-développement, dont la traduction en français vient d’être publiée aux éditions Wildproject. Une centaine de contributions venues de toute la planète y écrivent, en substance, que d’autres mondes — et non un seul — sont possibles et souhaitables face à la monotonie du « développement ».

Ce dernier concept avait été précédemment battu en brèche en 1992, au sortir de la Guerre froide, dans un Development Dictionary : A Guide to Knowledge as Power. Idéologie activement promue par les puissances occidentales — États-Unis en tête — dans la seconde moitié du XXe siècle, celle-ci aurait dû s’effacer, selon le précédent dictionnaire, avec la disparition de l’ancien bloc soviétique, contre lequel elle servait de rempart dans les pays du Sud global. Qu’en est-il trente ans plus tard ? Certes, l’idéologie du développement a pris du plomb dans l’aile ; même les Nations unies, ferventes promotrices pendant des décennies, ne peuvent plus le vanter en l’état et doivent l’accoler à d’autres concepts, ainsi le fameux « développement durable » à la conférence de Rio en 1992.

Cependant, sous une forme ou une autre, le développement et son lot de pillages, de violences et de catastrophes écologiques se poursuivent dans nombre de pays des Sud, comme le rappelle la première partie du Dictionnaire du post-développement. Deux entrées soulignent ainsi comment le mythe du développement, favorisant l’implantation d’entreprises et de capitaux étrangers, perpétue la violence coloniale et dépossède les peuples de leurs terres en Afrique et en Océanie. L’entrée « Aidland », quant à elle, conteste l’ingérence, voire la mainmise, des grandes ONG internationales — soit des entreprises privées, le plus souvent européennes ou nord-américaines — dans les pays du Sud global.

Des femmes zapatistes de l’Armée zapatiste de libération nationale, en 2007. Flickr/CC BY-NC-ND 2.0/Shannon

En somme, qu’il se targue d’être durable ou non, le développement sert surtout à prolonger « l’oligarchie impériale », c’est-à-dire la captation des ressources de la planète — et en particulier dans les Sud — par les populations privilégiées des pays du Nord. Le « néo-extractivisme » national revendiqué par certains États en Afrique ou en Amérique du Sud (Bolivie, Équateur ou Venezuela) ne change rien à l’affaire, puisque, publiques ou privées, les entreprises minières ou pétrolières entérinent la dépendance des pays du Sud global, riches en ressources, aux exportations de matières premières vers ceux du Nord.

Des modes de pensée et de vie inconnus

Heureusement, après ces sombres constats introductifs, le Dictionnaire du post-développement met en lumière une centaine d’alternatives à ce modèle destructeur, cartographiant ce faisant l’ensemble des mondes possibles, sinon déjà là. Comme tout dictionnaire, Plurivers tend à partir dans toutes les directions et c’est là précisément son but ; on peut cependant tirer plusieurs enseignements de ses nombreuses entrées.

Tout d’abord, la nécessité, dans tout combat écologiste, de décentrer le regard et d’écouter les voix des Sud. On comprend, à la lecture des très nombreux auteurs africains, asiatiques, latino-américains et océaniens qui écrivent depuis leurs terrains respectifs, à quel point les pays du Sud global sont en première ligne de la catastrophe écologique. Les concepts locaux que ces peuples mobilisent pour résister aux machines à la solde du Nord doivent donc inspirer — tout en les adaptant aux spécificités du terrain — les luttes ailleurs sur la planète.

Plurivers a donc pour premier mérite de faire connaître tout un ensemble de modes de pensée et de vie inconnus sous nos climats, à l’exemple de l’agaciro rwandais, de la cosmovision kawsak sacha en Amazonie et des ibadites en Oman. En retour, Plurivers ne manque pas de souligner qu’il faut agir également au Nord, qu’il s’agirait de « dé-développer », c’est-à-dire d’y « abolir le mode de vie impérial » si prédateur sur le restant du globe.

« Les savoirs indigènes donnent à voir en pratique des modes de production durables »

Pour ce faire, il faut s’appuyer sur les savoirs et pratiques autochtones, dévalorisés par les tenants du développementalisme. Ces connaissances permettent en effet d’envisager autrement les manières de produire et consommer, sans dégrader la nature et les autres Terrestres. Ainsi, en prônant une expérience sensible du monde plutôt que de s’en remettre exclusivement au jugement cartésien, le sentipensar andin et le kametsa asaike des Ashaninka du Pérou « réimaginent le monde à partir de réalités qui n’ont pas entièrement été colonisées par les catégories modernes » et défendent « un espace d’affirmation de l’être qui rétablit le lien primaire avec la terre et les territoires ».

Outre leurs apports cognitifs, les savoirs indigènes donnent à voir en pratique des modes de production durables, à l’instar des agdals marocains, des espaces pastoraux collectifs qui s’efforcent de maintenir la ressource en en limitant l’exploitation, ou encore de l’écocalendrier fondé sur l’horloge biologique des poissons volants migrateurs utilisé par les Taos, un peuple au large de Taïwan, exemple concret d’une pêche durable depuis des millénaires.

Une jeune Ashaninka près de la rivière Ene, au Pérou, en avril 2012. Flickr/CC BY-NC-SA 2.0/International Rivers

Plus largement, ces autres mondes nous permettent de repenser notre échelle des valeurs. Alors que le développement fait de l’accumulation de biens matériels la valeur cardinale à partir de laquelle classer l’ensemble des sociétés humaines, d’autres philosophies mettent au contraire l’accent sur le bonheur — le Bonheur national brut au Bhoutan —, la frugalité et la non-violence — comme les jaïns en Inde — ou encore la convivialité entre toutes les espèces — l’ubuntu en Afrique australe. Par conséquent, on note une place importante accordée aux religions et spiritualités.

Et pour cause : comme l’écrit le rabbin Michael Lerner dans l’entrée « Tikkoun olam judaïque », « les traditions spirituelles peuvent favoriser la compréhension intérieure du fait qu’il y a assez, que nous sommes assez, ainsi que le courage d’arrêter de chercher toujours plus ». Autrement dit, la recherche de la paix et de l’harmonie, pratiquée collectivement par toute une société — comme c’était le cas lors des années sabbatiques de l’Ancien Testament, durant lesquelles la société juive antique interrompait toute production matérielle rappelle Lerner — interrompt mécaniquement la quête effrénée de la croissance et, in fine, de la destruction de l’environnement.

Diversifier les approches locales

Mais, aussi enrichissantes soient ces alternatives, une question cruciale se pose au terme de l’ouvrage : comment faire advenir tous ces mondes alors que le monde du développement est loin d’être mourant ? De fait, les considérations tactiques sont les grandes oubliées de Plurivers. On peut néanmoins en esquisser quelques-unes.

Tout d’abord, la mise en œuvre de solutions locales, en marge du capitalisme. C’est typiquement le cas des coopératives de producteurs et de consommateurs, à l’exemple du mouvement Nayakrishi Andolon au Bangladesh, qui s’efforce de maintenir la souveraineté alimentaire des paysans via une banque de semences locales traditionnelles. Ce peut être aussi l’intégration de coutumes indigènes aux textes réglementaires, en prenant par exemple appui sur le minobimaatisiiwin, soit l’ensemble des lois et obligations envers le vivant que les peuples anichinabés et crie, en Amérique du Nord, ont volontairement contractées. Dans le Nord, les exemples sont plus connus : écovillages, monnaies locales, permaculture, etc. Mais ces solutions se heurtent toutes aux mêmes limites : quand bien même elles parviennent à maintenir un espace en dehors du capitalisme, elles échouent à enrayer sa progression ailleurs.

À l’inverse, la conquête du pouvoir par la voie révolutionnaire paraît complètement morte et enterrée, comme en atteste l’entrée « Révolution » du présent dictionnaire. Constatant l’échec des révolutions du XXe siècle — en URSS, en Chine ou à Cuba — à proposer des alternatives au développement, quand ces nouveaux régimes n’imposaient pas d’eux-mêmes un productivisme d’État, l’article conclut que, désormais, « l’acte révolutionnaire consiste à créer les conditions de possibilité de nouvelles ouvertures ontologiques ». La postface abondera dans le même sens, en actant l’abandon du vocabulaire marxiste classique au profit d’autres sources d’émancipation que celle proposée par la modernité.

Des membres de l’Armée zapatiste de libération nationale, en 1996. Wikimedia Commons/CC BY 2.0/Julian Stallabrass

Pour autant, c’est bien par la voie révolutionnaire — certes non-marxiste — que les zapatistes au Mexique et les Kurdes au Rojava sont parvenus à construire les sociétés les plus avancées aujourd’hui en matière de post-développement et à prouver que la ligne de front des conflits écologistes contemporains se situe clairement dans les pays du Sud — là où l’on peut encore arrêter l’expansion impérialiste du Nord.

Quelles tactiques adopter dans ce cas ? Sans doute, comme l’ont préconisé les zapatistes eux-mêmes, en diversifiant les approches. Une révolution qui n’aurait pas, en amont, construit ce que l’historien Jérôme Baschet, spécialiste de l’insurrection au Chiapas, nomme des « espaces libérés » — soit l’ensemble des initiatives évoquées plus haut — dans son essai Basculements, est une révolution condamnée à conquérir et rejouer le pouvoir de l’État. À l’inverse, une révolution qui, en aval, n’envisage pas de confrontation directe avec les pouvoirs en place, est une révolution condamnée à l’impuissance et à son écrasement par des forces réactionnaires.

En définitive, pour relier et donc renforcer chacun de ses mondes alternatifs, il faut les mettre en réseau. Non pas à la manière d’un impersonnel réseau numérique, mais, comme y invite l’anthropologue Barbara Glowczewski dans son ouvrage Réveiller les esprits de la terre, à travers un véritable « compagnonnage des peuples en lutte », seule manière de faire circuler savoirs et pratiques et de les incarner concrètement à de nouveaux territoires — et ainsi de créer de nouveaux mondes au sein du nôtre.



dimanche 18 septembre 2022

Déconstruire nos croyances sur l’économie du don

Source : https://mrmondialisation.org/deconstruire-nos-croyances-sur-leconomie-du-don

Définition du don et du potlatch

Le don semble se référer à une prestation volontaire, libre, gratuite et désintéressée. Or, malgré les apparences, les analyses du sociologue montrent que les échanges sous forme de don sont en réalité obligatoirement faits et rendus, contraints et intéressés.

Le potlatch repose sur trois obligations qui constituent son essence : celle de donner, de recevoir et enfin de rendre.

« Il a fallu la victoire du rationalisme et du mercantilisme pour que soient mises en vigueur, et élevées à la hauteur de principes, les notions de profit et d’individu».

Relation fusionnelle entre personnes et objets

Contrairement aux sociétés qui nous ont précédées, les sociétés modernes distinguent nettement droits personnels et droits réels, de même que les personnes et les choses, ainsi que l’obligation ou la prestation non gratuite et le don. 

Sa définition de la relation personnes-objets des sociétés antérieures

« il y a mélange de liens spirituels entre les choses qui sont à quelque degré de l’âme et les individus et les groupes qui se traitent à quelque degré comme des choses ».  

La morale du don toujours en vigueur

« une partie considérable de notre morale et de notre vie elle-même stationne toujours dans cette même atmosphère du don, de l’obligation et de la liberté mêlés. »

Nous accordons par ailleurs toujours une attache sentimentale aux objets malgré la morale marchande qui domine nos comportements.

Le neveu d’Émile Durkheim voit ainsi dans nos sociétés se mettre en place plusieurs principes socialistes de résistance à la froideur absolue des échanges entre individus, telle que la législation de l’assurance sociale

Retour à la morale des autres sociétés

En effet, le partage du travail dans la société du don a un sens profondément social, contrairement au néolibéralisme qui isole l’individu et le dissocie de son travail qui sert de profits à autrui. Or l’économie de l’échange et du don n’entre pas dans les cadres économiques de l’utilitarisme.

Autrefois, le don entrait dans le cadre d’une notion hybride selon l’anthropologue, à l’intersection entre des prestations libres, gratuites et des échanges intéressés, utiles.

la morale moderne et utilitariste centrée sur l’individu et le profit, est profondément inégalitaire et surtout socialement regrettable pour les êtres humains.

 

Références bibliographiques :

  1. Sociologie-Ethnologie. Auteurs et textes fondateurs. (ss dir) d’Alain Gras. Publications de la Sorbonne, 2003. Via https://fr.wikipedia.org/wiki/Marcel_Mauss
  2. Mauss, Marcel. Sociologie et anthropologie. Presses Universitaires de France, 2004.
  3. Sahlins Marshall. Philosophie politique de l’ « Essai sur le don ». In: L’Homme, 1968, tome 8 n°4. pp. 5-17.

 

vendredi 2 septembre 2022

La sobriété ? C'est pas gagné !

 Source : https://www.rfi.fr/fr/podcasts/c-est-pas-du-vent/20220901-la-sobri%C3%A9t%C3%A9-c-est-pas-gagn%C3%A9


 
Entretiens réalisés à Arles, dans le sud de la France, au festival Agir pour le Vivant qui a réuni du 22 au 28 août 2022, 150 personnalités de tous les horizons (philosophes, auteurs, chercheurs, économistes, chefs d’entreprises, scientifiques, artistes, activistes...) pour repenser nos liens avec le vivant et faire naître une nouvelle façon d’habiter le monde. 

Incendies, inondations, sécheresses, fonte des glaciers... Les conséquences du dérèglement climatique et de la disparition de la biodiversité menacent violemment l'habitabilité de la Terre mais les projets de prospection pétrolière continuent à fleurir et le monde économique peine à se transformer. 

Invités : 

  • Suspens Averti Ifo, enseignant chercheur en écologie forestière et spécialiste des tourbières tropicales à l'université Marien Ngouabi de Brazzaville
  • Hilda Flavia Nakabuye, activiste pour le climat et fondatrice du mouvement Fridays For Future en Ouganda mobilisée contre le projet Eacop
  • Lila-Brune Rémy, 19 ans, coordinatrice de Fridays For Future en France 
  • Eva Sadoun, co-fondatrice et présidente de Lita.co et de Rift et co-présidente Mouvement impact France
  • Jean-Baptiste Bosson, glaciologue au Conservatoire des espaces naturels de Haute-Savoie

dimanche 21 août 2022

Les saisons des mouvements sociaux

 

Source : https://organisez-vous.org/saisons-mouvements-sociaux/

Les mouvements et leurs meneur·ses1 ont des saisons – Il est important de savoir dans laquelle on se trouve. 

Texte original de l’article « leaders movements have seasons » de Carlos Saavedra, paru le 25 janvier 2022 (version originale accessible ici)

Lire l'article

Carlos Saavedra est un organisateur états-unien. Arrivé à l’âge de 12 ans aux Etats-Unis depuis le Mexique, étudiant sans papier, il s’est engagé jeune dans la lutte pour que les personnes immigrées et sans-papiers puissent accéder à l’éducation supérieure, devenant le coordinateur national de United We Dream Network.

En 2013, il co-fonde l’Institut Ayni, dont l’objectif est de former et d’accompagner des organisateur·ices et meneur·ses aux Etats-Unis dans la construction de mouvements. L’institut croit profondément que, pour obtenir la justice dans ce monde, nous devons renouveler nos cultures globales et nos traditions spirituelles pour nous rapprocher de la « Terre Mère » et de la réciprocité. Dans cet article, Carloos demande : que se passerait-il si nous accordions nos actions et énergies en accord avec le rythme cyclique des saisons ?

Commentaires croisés sur ce texte



lundi 30 mai 2022

Pour des reprises de savoirs, appel à des chantiers Pluri·versités

 

Source : https://www.terrestres.org/2022/05/12/pour-des-reprises-de-savoirs-appel-a-des-chantiers-pluri%c2%b7versites/


 

Issus des alternatives, des luttes ou du monde universitaire, et suite aux rencontres « reprise de terres » de l’été 2021, des chantiers-pluriversités s’organisent cet été 2022 à travers toute la France. Il s’agit de mettre à l’ouvrage simultanément nos têtes, nos cœurs et nos mains pour habiter des communs terrestres.

(…)  Ce qui nous lie, c’est la défense, la récupération et le soin des milieux de vie, la pluralité des mondes terrestres, menacés par une machinerie guerrière qui s’attaque au vivant sous toutes ses formes, humaines et autres qu’humaines. Comment se projeter dans un monde secoué par le chaos climatique, l’effondrement du vivant, la précarité sociale, l’autoritarisme et la guerre ? Comment vivre ensemble et apprendre de nos expériences présentes et passées, ici et ailleurs? Comment « faire école » pour s’inscrire dans la durée ? (…)

En savoir plus

mercredi 20 avril 2022

Le Guide de la propriété foncière agricole

Source : https://terredeliens.org/guide-propriete-agricole-responsable

Ce guide est conçu comme un outil d’aide à la réflexion, pour ouvrir progressivement le champ des possibilités qui s’offre à propriétaire privé au moment de céder ou de louer son bien agricole, selon sa situation personnelle et familiale.

Il est destiné aussi bien aux propriétaires de biens agricoles se questionnant sur l’orientation et l’usage de leur propriété qu’aux accompagnatrices et accompagnateurs de projets fonciers.

3 millions de propriétaires agricoles, et moi et moi et moi 

Ils sont 3 millions et avec eux, c’est une partie de l’avenir de notre agriculture qui s’écrira. Agriculteurs, filles ou fils d’agriculteurs·trices mais aussi, simples héritier·es, les millions de propriétaires de terres agricoles en France représentent aujourd’hui l’une des clés de l’agriculture de demain. Car les chiffres sont là et vertigineux.

D’ici 10 ans, plus de 25% des agriculteurs·trices partiront à la retraite laissant derrière eux 5 millions d’hectares de terre à reprendre. Ce qu’il adviendra de ces terres lorsqu’elles seront remises sur le marché, pour être vendues ou louées, sera décisif.
Viendront-elles nourrir la concentration foncière, l’agriculture intensive, la déconnection entre agriculture et société et le déclin des campagnes ? Ou permettront-elles l’entrée d’une nouvelle génération d’agriculteurs·trices et la transition vers des formes d’agriculture biologique et protectrice de l’environnement ? Les propriétaires de terres agricoles ont une partie de la réponse. Mais ils sont encore aujourd’hui encore trop peu accompagnés.

Ce constat, c’est Terre de Liens qui le dresse, actrice de terrain, aux côtés des centaines de propriétaires agricoles qui sonnent chaque année à sa porte en recherche de solution.
Information dispersée ou inaccessible, solitude dans la démarche, parcours du combattant, toutes et tous parlent de la dose de courage, de patience et de détermination nécessaire à une transmission éthique et responsable de leurs terres.

Face aux urgences et à l’inexorable disparition des fermes, il est urgent de changer d’échelle.

On ne peut pas se résoudre à n’accompagner que les propriétaires ultra déterminés. Il faut que l’on touche toutes celles et ceux qui ont hérité de terres sans vraiment savoir ce qu’ils vont en faire, les agriculteurs et agricultrices en fin de carrière qui n’ont pas eu le temps de penser la transmission de leurs terres, etc… décrit Caroline Dumas, chargée de mission installation-transmission de Terre de Liens. Au risque de voir s’accélérer la disparition des fermes diversifiées, respectueuses de l’environnement et à taille humaine au profit de mégas-fermes en monocultures bâties sur le triptyque production massive - génétique - robotique.

Un guide pour aiguiller les propriétaires de terres agricoles

C’est de ces observations qu’est né le Guide de la propriété foncière agricole publié par Terre de Liens.

Fruit de 20 ans d’expertise de terrain, ce guide est une véritable boîte à outils au service des propriétaires de foncier agricole. Il réunit en un seul endroit toutes les informations utiles pour une transmission responsable de terres agricoles.

Vente, location, don, leg, il n’y a pas de réponse unique. Mais chacun·e peut désormais se projeter dans les contraintes du cadre légal et trouver l’équilibre entre son projet de transmission, ses besoins financiers et ses engagements éthiques.

Maintenant il n’y plus qu’à le faire connaître partout en France pour qu’il n’y ai plus de propriétaire agricole désemparé·e, résume Caroline Dumas !

 


Il se découpe en six parties, assorties d'une dizaine d'annexes :

  1. Faire bon usage des terres agricoles : un enjeu clé pour nos sociétés
  2. Comprendre le potentiel agricole d'un bien
  3. Orienter l'avenir d'un bien agricole
  4. Louer un bien agricole : comprendre le bail rural et ses différentes possibilités 
  5. Vendre pour favoriser des installations et l'agriculture biologique
  6. S'inscrire dans un projet collectif, solidaire et écologique pour préserver et partager les terres agricoles 

Pour retrouver l'ensemble des références mentionnées dans le guide, rendez-vous dans le dossier thématique dédié.

 

 


dimanche 10 avril 2022

De Nuit Debout aux Gilets Jaunes : La Tyrannie de l'Horizontalité

Source : https://organisez-vous.org/tyrannie-horizontalite-article/

 

Jo Freeman [Crédit : Carol Moore]

 

Depuis plusieurs années, « l’horizontalité » est à la mode. De Nuit Debout aux Gilets Jaunes en passant par les Assemblées Générales étudiantes, de nombreux militants choisissent désormais de s’affranchir de représentants, de chaîne hiérarchique ou encore de structures formelles de fonctionnement. Ces choix, qui font aujourd’hui débat, sont difficiles à analyser sans appareil conceptuel.

Dans ce contexte, Marjorie Maquet, traductrice chevronnée, a accompli un très gros travail pour nous offrir une traduction fluide et ciselée de « La Tyrannie de l’Horizontalité », article culte de la féministe américaine Jo Freeman, dont la réflexion sur la structure des mouvements sociaux et leur quête d’horizontalité est plus que jamais d’actualité.

Afin d’introduire ce texte [dont la traduction complète est maintenant disponible sur notre site], nous reproduisons ici une courte note introductive, ainsi que quelques morceaux choisis qui nous semblent les plus utiles aux militants d’aujourd’hui. Bonne lecture !

Jo Freeman, c’est qui ?

Lire l'article

Par Jean-Michel Knutsen | 3 février 2019

mercredi 30 mars 2022

Climat : mon cerveau fait l'autruche

Source : https://www.arte.tv/fr/videos/098858-000-A/climat-mon-cerveau-fait-l-autruche/


Pourquoi, en dépit de l'imminence de la catastrophe climatique, ne parvenons-nous pas à changer nos modes de vie ? 

Y a-t-il une explication scientifique à cette inertie ? Réponse dans cette riche enquête qui révèle les surprenants réflexes du cerveau humain. 

Voir la vidéo : https://www.arte.tv/fr/videos/098858-000-A/climat-mon-cerveau-fait-l-autruche/

 

mercredi 2 mars 2022

Sauvages, naturelles, vivantes, en libre évolution… quels mots pour déprendre la terre ?

Source : https://www.terrestres.org/2022/02/10/sauvages-naturelles-vivantes-en-libre-evolution/

Lors d’un débat mouvant, des personnes issues des mondes de la paysannerie, du militantisme et de la recherche s’interrogent sur les avantages et les inconvénients d’une série de formules pour désigner, au sein de collectifs de lutte plus larges, des terres qui seraient retirées de tout rapport productif et largement soustraites à l’emprise humaine.

Marine Fauché · Virginie Maris · Clara Poirier
10 février 2022
Temps de lecture : 18 minutes

Lire l'article sur le site de la revue Terrestres

 

lundi 28 février 2022

Latour : le nouveau régime climatique comme révolution cosmologique pour la "modernité occidentale"

Source : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/la-grande-librairie-saison-14/3087765-emission-speciale-bruno-latour.html


Cette semaine, François Busnel accueille le sociologue Bruno Latour, qui publie avec Nikolaj Schultz un "Mémo sur la nouvelle classe écologique", aux éditions La Découverte. Dans cet ouvrage, les deux auteurs tentent d'établir les conditions pour que l'écologie devienne la ligne d'horizon de la vie politique.

 

La métaphore du nouveau régime climatique nous (en occident) parle d'un "changement de nature" du sol sur lequel sont nos pieds... Les pieds un par un, chaque pieds, chaque sol, chaque territoire.