Sauvons Kokopelli
Cela fait plus de
dix ans que l'Association Kokopelli est victime de la mafia semencière et des
tracasseries émanant des « tutelles » du Ministère de l'Agriculture.
Elle fait peur aux pouvoirs en place non parce qu’elle vend des graines de tomates ou autres légumes, mais parce
qu’elle prône l'autonomie, le jardinage familial, la véritable agro écologie,
la production autonome de semences, la résistance des paysans du Tiers-Monde.
Elle commet sans cesse des crimes de lèse-majesté contre l'agriculture
chimique, mortifère et cancérigène, et le contrôle des peuples par les
multinationales de l'agrochimie et de la semence avec la complicité des
dirigeants des nations qui ne sont que des pantins dans les mains de ces
prédateurs.
Comme je l’ai déjà signalé à maintes reprises,
en France, les semenciers libres subissent continuellement des atteintes à la
liberté par les visites réitérées des agents de la Répression des Fraudes, qui,
sans doute sans le savoir, sont les collaborateurs des « saigneurs de la Terre », dénoncés
en 1997 par Camille Guillou.
Ainsi, depuis le début de l’année 2004, l’association Kokopelli, qui œuvre dans le sens de la directive de la
Communauté Européenne portant sur la conservation de la biodiversité in situ, est harcelée par les agents de la Répression parce qu'une
grande partie des semences de plantes potagères qu’elle distribue sont des
semences de variétés anciennes, non-inscrites dans le catalogue officiel, ce
qui est actuellement considéré comme un crime d’État.
Il est scandaleux de constater la pression
exercée sur les petits semenciers biologiques qui préservent la biodiversité de
notre planète et les plantes qui sont un bien commun, alors que les pollueurs
et pilleurs de tout genre continuent à détruire impunément notre environnement,
grâce à la complicité des États qui leur distribuent nos deniers sous forme de
très fortes subventions, tout en prônant officiellement la
« biodiversité ».
Dominique Guillet, Président de l’Association
Kokopelli, pose depuis sa création la bonne question : « Le catalogue
officiel aurait-il été érigé non point pour la protection des jardiniers, mais
pour la protection des intérêts financiers des grands groupes et
multinationales qui ont racheté la quasi-totalité du secteur semencier depuis
40 années ? » Il est certain qu’il connaît la réponse à cette
question. Il rêve d’une planète « avec des semences libres cultivées dans
le respect de l'environnement, avec des enfants qui ne meurent plus de faim,
avec des jardins et des champs, source de vie et de diversité. » Il
conseille à ceux qui possèdent un jardin et aux petits cultivateurs
indépendants de semer impérativement de plus en plus de semences interdites, de
les donner, les échanger, et produire de jeunes plants de variétés interdites
afin de les distribuer autour d’eux et aux pays les plus pauvres, sinon, dans
quelques années, il n’y aura plus de semences libres, mais seulement des
organismes génétiquement modifiés et des hybrides F1. « Résistons
fertilement sinon, dans une dizaine d’années, le jardinage familial sera
interdit pour cause d’homogénéisation : il sera devenu une activité à
hauts risques bactérien et sociologique. » Espérons qu’ils seront nombreux
à l’écouter et que la distribution des variétés interdites évitera leur disparition.
En 2004, Kokopelli a été accusée par des agents de la répression
des fraudes de commercialiser des semences de variétés non inscrites au
Catalogue officiel et l’Etat s’est porté partie civile. En 2005 la société
Baumaux assignait l’association devant les juridictions civiles de Nancy sur le
fondement de la « concurrence déloyale ». Elle demandait
la condamnation de Kokopelli à lui payer 100 000 euros de
dommages-intérêts, ainsi que la cessation de toutes les activités de
l'association. Pour information, au 30 juin 2011, la société Baumaux avait un
chiffre d'affaire annuel de 14 millions d'euros et un résultat net de 2
millions d'euros, mais cela ne lui suffisait pas.
Or, en février 2011, une lueur d’espoir est apparue comme
pouvant marquer un tournant dans la lutte pour la biodiversité et la protection
des semences anciennes. Dans le cadre du procès qui oppose l’association
Kokopelli à la société Graines Baumaux, la Cour d’Appel de Nancy a fait droit à
la demande de l’association de saisir la Cour européenne de justice et chacun
pensait que la cause de Kokopelli était gagnée.
Selon Blanche
Magarinos-Rey, avocate de Kokopelli, « l’Industrie, représentée par la
GNIS (groupement national interprofessionnel des semences), intente un procès
par l’intermédiaire de l’Etat et de ses agents de la répression des fraudes
dont certains appartiennent aussi à la GNIS ». Le procès Kokopelli dépasse
maintenant ses propres frontières et il est une remise en cause globale de la
législation qui obéit à la demande des industriels. Les variétés qui ne sont
pas appropriées sont rendues illégales car elles font concurrence aux
semenciers. C’est la première fois qu’un procès de ce type entre en appel dans
le cadre de l’UE, mais il représente une logique globale dans le cadre d’une vaste
question politique. « Cette histoire a pris énormément d’ampleur.
L’acceptation de l’accusation en Cours de cassation ne pouvait pas tenir
politiquement. A ce moment là, les médias ont bougé, les pétitions circulé et
des élus se sont mobilisés. Nombre d’entre eux ont trouvé totalement absurde
cette accusation et ont affirmé le caractère d’utilité publique de
l’association […] », a précisé Blanche Magarinos-Rey. Quant au dépôt de la
marque tomate kokopelli par Baumaux, on peut le considérer comme frauduleux,
au sens de notre jurisprudence en la matière.
Aussi, grande a été notre surprise d’apprendre,
le 14 juillet 2012, que la
biodiversité dont on parle tant et que l’on méprise tant a été sacrifiée à la
croissance et la productivité, obsessions de la mondialisation. En effet, alors
que le 19 janvier dernier, son Avocat
Général donnait entièrement raison à Kokopelli en estimant que
l'enregistrement obligatoire de toutes les semences au catalogue officiel était
disproportionné et violait les principes de libre exercice de l'activité
économique, de non-discrimination et de libre circulation des marchandises, la
Cour de Justice vient de donner un satisfecit
intégral à la législation européenne sur le commerce des semences.
Comme le signale sur son site l’association, « aux termes d'une
analyse étonnement superficielle de l'affaire, et d'une décision qui ressemble
plus à un communiqué de presse qu'à un jugement de droit, la Cour justifie
l'interdiction du commerce des semences de variétés anciennes par l'objectif,
jugé supérieur, d'une “productivité agricole accrue” ! »
« Productivité » est donc le mot-clé de ces décisions alors que
c’est la « décroissance », prônée à juste titre par Pierre Rabhi qui
devrait marquer notre époque alarmante. Ce mot, utilisé 15 fois dans la
décision de la Cour, met l’accent sur la toute puissance du paradigme productiviste qui a présidé aux
« trente glorieuses ». Ce mot fait partie des trouvailles
« géniales d’hier » qui sont devenues les catastrophes des
lendemains. C’est ainsi que ce raisonnement qui dure depuis 50 ans nous a
conduits a perdre plus de 75 % de la biodiversité agricole européenne.
Cette directive européenne est un véritable leurre, que Kokopelli et tant
d'autres organisations européennes ont déjà dénoncé, et ne vise pas à permettre
la commercialisation des variétés anciennes ni même à conserver la biodiversité
semencière.
De plus, cette biodiversité, qui existe depuis des siècles et a nourri tous
les peuples européens, est soudain devenue dangereuse puisque la Cour a signalé
à deux reprises que la législation permet d'éviter « la mise en terre
de semences potentiellement nuisibles ». Il fallait oser alors que les semences du Catalogue,
enrobées des pesticides Cruiser, Gaucho Régent, et autres produits de la chimie,
empoisonnent la biosphère et les populations depuis plus de cinquante ans !
Ainsi, si nous en doutions encore, nous avons la preuve formelle que la
Cour de l'Union Européenne est, elle aussi, au service de l'agriculture
chimique et de son idéologie meurtrière qui a déjà conduit à la disparition de
90 % des cultures céréalières.
Et l'Association Kokopelli, qui depuis 20 ans veille avec passion à la
préservation du patrimoine semencier européen, bien commun de tous, sans la
moindre subvention publique, pourrait donc bien disparaître demain, car son
activité, qui gêne l'une de nos sociétés commerciales les mieux installées, ne
présente pas d'intérêt pour une « productivité agricole accrue ».
Cependant, il n'est pas admissible que les variétés anciennes, héritage de nos
grands-parents, soient interdites de cité !
Plus que jamais, Kokopelli a besoin du soutien de toute la population qui
est concernée, qu’elle le veuille ou non.
La gauche, sous les précédents gouvernements de droite, nous a dit pouvoir
compter sur son soutien à de nombreuses reprises. Il est temps maintenant
qu'elle transforme ses promesses en actes, puisque « le changement c’est
maintenant ».
En résumé, voici ce que réclame l’association Kokopelli :
Le Catalogue officiel actuel est
le pré-carré exclusif des variétés protégées par des droits de propriété
intellectuelle, hybride F1 non reproductibles. Qu'il le reste.
Nous voulons que les semences
anciennes et nouvelles appartenant au domaine public et librement
reproductibles sortent du champ d'application de la législation sur le commerce
des semences.
Il n'existe pas de catalogue
officiel obligatoire pour les clous et les boulons. Il n'y a pas de raison de
soumettre les semences à une procédure préalable de mise sur le marché, comme
les pesticides ou les médicaments, pour les cataloguer dans un registre.
Des objectifs de qualité et de
loyauté dans les échanges commerciaux peuvent être aisément atteints par un
règlement de base fixant des critères minimums en termes de qualité sanitaire,
faculté germinative, pureté variétale et pureté spécifique.
La semence, essence même
de la vie, est aujourd’hui menacée. La semence, la voix de nos ancêtres, est le
fruit de 12 000 années, ou plus, de co-évolution entre l'Homme, la Terre
et la Plante : l'homme a domestiqué la plante tout autant que la plante a
domestiqué l'homme. Ce processus co-évolutif a engendré un patrimoine végétal
et culturel, très diversifié, qui est le bien commun de toute l'humanité. Cet
héritage court aujourd’hui le risque d’être confisqué par une infime minorité.
L’aliénation de la
semence par l’agro-industrie constitue un danger sans précédent pour
l’indépendance alimentaire et pour la santé des peuples. Les vendeurs de
pesticides bricolent dans leurs laboratoires ou dans leurs champs, brûlés par
la chimie, des hybrides dégénérescents ou des chimères génétiquement modifiées,
qu’ils osent appeler semences. Ces semences industrielles sont malades :
elles ne peuvent vivre sans pesticides, sans engrais chimiques ou sans
manipulations génétiques. Polluantes pour l’environnement, elles sont le point
de départ de déficiences nutritionnelles, d'aliments-poisons, de cancers et
autres maladies, de dégénérescence chez l'homme et chez l'animal.
Afin d'obtenir le
monopole de ce qui appartient à tous, les lobbies de la pétro-agro-chimie,
aidés par l'Etat, veulent supprimer le droit inaliénable de chacun de ressemer
sa récolte.
L'agriculture toxique est
une invention récente des industriels de la guerre et de la chimie, soutenus
par une caste de technocrates qui a réduit à néant les paysanneries
traditionnelles. L'humanité s'est nourrie pendant 12 000 années, ou plus,
de plantes saines et savoureuses issues de semences de vie, de semences de
terroir, de semences croissant dans des écosystèmes naturels et vivants.
Comme les générations qui
nous ont précédés, nous avons le devoir de transmettre à nos enfants, et aux
enfants de nos enfants, la possibilité d’orienter et de choisir leur avenir.
L'Association Kokopelli œuvre
ainsi à la protection de la biodiversité alimentaire, à la promotion de
pratiques agro-écologiques et au recouvrement par les jardiniers et par les
paysans du droit à produire leurs propres semences.
L'Association Kokopelli
est aujourd'hui menacée dans sa survie par les attaques du lobby semencier et
de l'Etat. Au travers de Kokopelli, ces attaquent visent à détruire le droit de
protéger et de partager les semences.
L'Association Kokopelli
est aujourd'hui menacée dans sa survie par des législations nationales ou
internationales qui sont une invention récente des états et du lobby de la
semence industrielle et de l'agro-chimie, et qui font du droit à la protection
et au partage des semences, un délit.
Nous exigeons pour tous
les paysans, maraîchers, jardiniers, semenciers et associations œuvrant à la
protection de la biodiversité alimentaire :
- la liberté de protéger
les semences de vie, de terroir, de population.
- la liberté de
reproduire ces semences.
-[1]la
liberté de refuser, pour ces semences, tout enregistrement, tout catalogue
national, tout brevet, tout droit de propriété intellectuelle.
- la liberté de donner,
d'échanger et de commercialiser ces semences.
- la liberté de créer de
nouvelles variétés de semences adaptées à un terroir, adaptées à une vie
culturelle, adaptées à des pratiques agro-écologiques.
- la liberté de refuser
les chimères génétiques, source de contamination.
- la liberté de partager
et d'échanger, en toute coopération et réciprocité, les savoirs et les
savoir-faire issus de millénaires d'agriculture traditionnelle.
- la liberté d'utiliser,
de commercialiser, de conseiller et d'enseigner toute technique et pratique
agro-écologique (purin d'ortie, extraits fermentés, etc) respectueuse de
l'Homme et des ecosystèmes.
Nous
exigeons, en fait, tout simplement, le droit inconditionnel de transmettre la
biodiversité et la fertilité aux générations futures.
Il n’est guère besoin d’ajouter de commentaires à
ces demandes auxquelles nous souscrivons pleinement. Espérons que nous serons
nombreux à le manifester, quitte à tous descendre dans la rue pour la
conservation de nos « acquits humanitaires ».
Sylvie Simon
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