Source : JDLE
Le collectif des Economistes atterrés a présenté, ce 16 janvier, son «Nouveau manifeste»[1]
dans lequel il propose une économie alternative à l’austérité, à la
précarité, au chômage et à la pauvreté. Un projet de société où
l’écologie représente la seule issue possible au néolibéralisme.
Plus de 20 plumes se sont rassemblées autour de cet opus vivifiant,
représentant la suite logique du premier manifeste publié en novembre
2010. Après avoir tiré les conclusions de la crise provoquée par les
dérives de l’industrie financière, ces nouveaux économistes, dont était
proche feu Bernard Maris, récidivent en proposant des clés pour une
société alternative au néolibéralisme, basée sur la démocratie,
l’égalité, la réhabilitation de l’intervention publique, l’initiative
des citoyens et l’écologie.
«Force est de constater que non seulement les leçons de la crise de
2008 n’ont pas été tirées, mais en plus l’Europe a poussé encore plus
loin les limites de ce modèle qui a échoué en développant sa politique
d’austérité, catastrophique pour le chômage et la dette publique», lance Christophe Ramaux, chercheur au Centre d’économie de la Sorbonne et enseignant à l’université Paris I.
Relancer la demande et le plein emploi
Les Economistes atterrés ont identifié plusieurs chantiers dont ils ont
présenté les grandes lignes, 5 jours avant la sortie du Nouveau manifeste. L’écologie y occupe une place centrale, puisque «l’aspect
social et l’aspect écologique de la crise se renforcent. Les plus
pauvres, dans les pays riches et encore plus dans les pays moins
développés, sont et seront les plus durement touchés par la dégradation
écologique», écrivent-ils.
Conclusion: la relance de l’activité doit se faire en fonction des nouveaux objectifs environnementaux. «Il
faut arrêter d’augmenter la compétitivité par de bas salaires. Cela ne
fonctionne pas puisque les entreprises ne créent pas plus d’emplois», observe Benjamin Coriat, professeur d’économie à l’université Paris 13 et co-président du Collectif. «Il
faut un choc de la demande verte et arrêter la politique de l’offre qui
ne marche pas. Il faut au contraire favoriser le plein emploi en
développant massivement les trois chantiers urgents que sont la
rénovation thermique des bâtiments, le développement des énergies
renouvelables et des transports collectifs», poursuit Christophe Ramaux.
Une fiscalité écologique et solidaire
Comment les financer? «Par l’épargne, les banques publiques
d’investissement, la mise en place d’une taxe sur les transactions
financières et sur les activités nuisibles, qui favorisent la pollution
ou la spéculation, par le renforcement de l’imposition des sociétés, par
la lutte contre la fraude fiscale qui s’élève à 70 milliards d’euros
par an», répond Philippe Légé, maître de conférences en économie à l’Université de Picardie.
Quid des produits financiers verts? Le collectif les écarte, estimant
qu’ils ne parviennent pas à répondre aux défis écologiques, comme le
montre l’échec du marché européen de quotas d’émissions, avec un prix de
la tonne de CO2 devenu imprévisible et ridiculement bas. Au total, le
coût de la transition énergétique est évalué à 350 Md€ par an, pendant
10 ans, dans l’Union européenne. «Le coût de l’inaction serait bien plus élevé», rappelle le groupe.
Une intervention publique et des initiatives citoyennes
Les économistes atterrés en sont convaincus. Accompagnée de lois
d’objectifs, la fiscalité écologique doit aussi être incitative pour
aider les productions non polluantes, privilégiant la durée de vie des
produits plutôt que leur obsolescence programmée, ainsi que
l’agriculture de proximité, biologique ou agro-écologique au détriment
de l’agriculture intensive, grosse consommatrice d’énergie et d’intrants
chimiques. «La politique agricole commune, qui représente un tiers
du budget total de l’Union européenne doit être revue en fonction de ces
nouvelles exigences», affirme le Nouveau manifeste, alors que le
verdissement souhaité lors de la dernière réforme de la PAC a
passablement échoué. Pour être durable, la transition énergétique doit
aussi s’appuyer sur une forte intervention publique, des initiatives de
collectivités locales et de citoyens.
Réduire les inégalités par l’éducation et la rénovation urbaine
Intéressante, leur initiative inscrit l’écologie au cœur d’un projet de société global, qui donne également la priorité «à la réduction des inégalités de revenus, qui ont bondi depuis les années 1990 et encore plus depuis 2008»,
rappelle Anne Eydoux, maître de conférences à l’université Rennes 2.
L’économiste n’oublie pas les inégalités sociales, touchant les femmes
ou les étrangers, estimant qu’il faut donner davantage de moyens à
l’Education nationale et lancer de grandes politiques de rénovation
urbaine.
Quel écho dans la société?
Le Nouveau manifeste complète son projet par la promotion des salaires
élevés, des contrats à durée indéterminée, de la réduction du temps de
travail… «La mise en place des 35 heures a permis de créer en France de 300.000 à 500.000 emplois»,
rappelle le nouvel opus. Et pour ne pas perdre le fil de la reconquête
de ce bien-être social et environnemental, un nouvel indicateur doit
compenser les manques du PIB, en intégrant la production non marchande
des administrations et le respect des équilibres sociaux et écologiques.
Seront-ils entendus? Au regard du succès inattendu de leur premier
manifeste, vendu à près de 100.000 exemplaires, de bonnes surprises sont
possibles. «Nous ne sommes ni conseillers du prince ni un groupe de lobbying mais une simple association citoyenne», répond le collectif, qui se refuse à tout pronostic.
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