Source : Fred Bosqué sur MédiaPart
- Grand père raconte moi encore comment c’était là où tu es né ….
- Là où je suis né ? tu veux dire quand je suis né !?
- Oui, raconte-nous encore !
- Eh bien, c’est difficile à croire mais dans ces temps là, il n’y avait même pas de revenu d’existence !
- Non ! C’est pas vrai !?
- Si.
- Mais alors comment les gens vivaient ?
- Beaucoup mouraient et ceux qui ne travaillaient pas pour de la monnaie mouraient encore plus vite …
- Tu veux dire qu’il n’y avait pas assez à manger pour tous ?
- Si.
- Pas assez de médicaments ?
- Si.
- Mais alors ils étaient trop nombreux et on ne pouvait pas produire pour tous ?
- Si on pouvait mais on ne le faisait pas.
- Mais pourquoi ?
- Ils disaient qu’il n’y a avait pas assez d’argent …
- Mais grand père, l’argent aujourd’hui on le crée en
fonction de la capacité de production de la nation afin que chacun ait
de quoi satisfaire ses besoins dans le respect de la nature et des
autres humains
- Oui je sais. Mais en ce temps là, la monnaie était
fabriquée par des entreprises privées qui vivaient de sa rareté ! On
appelait cela des banques.
- De sa rareté ! Mais enfin personne ne gagne à ce que
l’argent soit rare ! Les entreprises en ont besoin pour investir dans
une production durable, les collectivités pour assurer les fonctions
vitales nécessaires aux citoyens et les citoyens en ont besoin pour
acheter les produits et les services dont ils ont besoin ! C’est pour
cela qu’aujourd’hui chacun à un revenu d’existence indépendamment de son
activité ! à chacun ensuite de choisir son activité en fonction de ce
qu’il veut faire de sa vie !
- Oui, mais avant, ce n’était pas comme ça. Certains
s’enrichissaient sur la rareté des choses et pas sur leur abondance !
- Mais Grand père comment cela était possible ?
- Et bien, comme ils étaient les seuls à fabriquer de
l’argent, les autres le leur achetaient plus cher que ce qu’il valait !
- Plus cher que ce qui valait ? Mais c’est stupide ! du coup, ils en avaient mécaniquement moins !
- Et bien, ils pensaient qu’ils pourraient payer cet argent
plus cher en produisant plus même au détriment des humains et de la
nature.
- Mais, mais c’est impossible car, outre le fait qu’ils
détruisaient Gaïa la Planète, de toute façon pour acheter leur
production en plus, ils leur auraient fallu plus d’argent et donc ils
auraient dû racheter de l’argent encore plus cher !
- C’est ainsi que les citoyens, les entreprises et les
collectivités se sont endettés au point de renoncer à leur humanité …
- Comment ça ?
- Des humains mourraient de faim, de soif, de maladie et on
leur répondait que cela était normal … pas assez d’argent, trop
endetté ! Et pendant ce temps d'autres qui en avaient trop, le jouaient
dans un grand casino qu'on appelait "la bourse".
- Non, ce n’est pas possible
- Si, cela était possible !
- Mais ils ne ressentaient pas toute cette souffrance, cette douleur ?
- A cette époque, pleurer la mort d’un autre humain, c’était de la sensiblerie, du populisme, de l’utopie !
- Ils ne pleuraient pas les uns sur les autres ? (les petits enfants du grand-père pleurent, incrédules)
- J’ai honte … non ils ne ressentaient pas cela comme une
insulte à leur humanité. Ils ne ressentaient pas cela comme une violence
à eux mêmes. Aujourd’hui ce n’est plus comme cela. Vous êtes, vous êtes,
…(le grand père pleure à son tour)… vous êtes tellement épris les uns pour les autres, que le mal des uns fait du mal aux autres…. (puis, il sourit d’un air aimant) et surtout le bien des uns vous fait éprouver du bien pour vous même !
- Mais comment cela était-il possible ?
- Je ne sais pas. Vous savez l’humanité sortait d’une longue
phase de vie collective, des centaines de milliers d’années. La
personne humaine venait à peine d’être reconnue. Avec l’arrivée des
droits de l’homme et du citoyen, les humains découvraient qu’ils avaient
des droits individuels, que chacun était une personne unique. Cela les changeait d’être les prothèses, les sujets d’un Roi.
- Alors ils ont exercé leurs droits au point de les imposer aux autres ?
- C’est plus compliqué. Jusqu’à présent la morale provenait
du groupe et s’imposait à chaque humain de l’extérieur. Je pense
qu’avec la venue de l’individualité, les humains ont recherché le bout
de cette individualisation jusqu’à ce qu’ils conçoivent individuellement
que toute puissance sans régulation a une limite.
- En fait, parce qu’ils avaient plus de pouvoir ils en abusaient au-delà de sa maitrise ?
- Oui en quelque sorte, et certains d’entre eux, ont commencé à y renoncer !
- C’est évident pourtant ! Si j’engage une puissance au-delà
de ce que je maitrise, je vais forcément en perdre le contrôle !
- Oui, mais le plus grand nombre avait une très forte croyance !?
- Ah !!! laquelle ?
- Il croyait aux conséquences positives et mécaniques de
leur technologie. Ils appelaient cela le progrès ! Ils croyaient que le
progrès pourrait rattraper toujours les dérives de leur perte de
contrôle !
- Ce n’est pas à cette période que sont apparus les concepts de
« principe de précaution, développement durable, performance globale » ?
- Oui, cela a démarré avec un certain nombre de
scientifiques, de citoyens engagés, de politique et même quelques
humains engagés dans des quêtes spirituelles y compris laïques.
- Ah oui, on les a étudiés, je crois qu’on les appelait les altermondialistes !
- Oui mais il n’y avait pas qu’eux ! en fait il y en avait
partout, dans tous les camps. Certains les appelaient les
créatifs-culturels. En fait, c’étaient des gens à la
fois engagés dans un développement personnel et dans une transformation
du monde, non pas dans la construction d’une méga-cathédrale à venir ou
dans un retour à une idéologie parfaite venue d’un passé révolu mais
plutôt dans un changement concret et généralisable dans leur milieu
immédiat.
- Dis grand père, comment ça a commencé ?
- Et bien en fait on ne sait pas trop...
- Comment ça ?
- Et bien, c’est venu d’un coup ! un peu comme de l’eau qui
entre en ébullition et se transforme en vapeur quand elle contient un
certain nombre de calories.
- Je ne comprends pas…
- Disons que l’on a commencé à voir que les choses
changeaient quand elles furent un certain nombre à avoir déjà
changées... Un peu comme tu t'aperçois que l'eau bout, mais sans savoir
quelle est la calorie qui a fait basculé !
- En fait, tu as peut être été celle là !?
- C'est ça le grand mystère de la Vie, c'est que nous
pouvions tous dire que c'était nous cette calorie quand l'eau s'est mise à
bouillir !
Frédéric,
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